Lieux-dits
Préalables
Rappel de l’intention initiale
Rappel de la démarche artistique : l’entre-deux
Le paysage est le lieu où l’artiste côtoie le discours scientifique, le lieu où le regard croise l’analyse. La géographie, cette « science du paysage » est d’autant plus disponible à une exploration artistique que la frontière entre examen scientifique et perception esthétique y reste floue.
Je profite de cet entre-deux pour questionner notre rapport intime au paysage, aux lieux ; ce basculement qui nous fait passer d’une topologie à la constitution d’une forme d’identité, d’une limite physique ou virtuelle, cartographiée et normalisée, à des valeurs et des habitudes.
La photographie est de l’ordre de la frontière, de l’ordre de la « coupure sémiotique » qui nous fait passer de l’indice à l’icône, de ce qui nous attache physiquement au monde à ce qui s’en détache : mince épaisseur de papier pigmenté qui nous isole, nous coupe de toute vraisemblance, pour ne nous donner qu’un ressemblant.
Je profite de cet entre-deux du médium pour questionner ce basculement qui nous fait passer du style documentaire au paysage en tant que genre d’une représentation normalisée, à une forme d’expression artistique chargée de codes esthétiques hérités de l’histoire de l’art.
La photographie est un médium qui se prête parfaitement à ce jeu, à ce coulissement entre réel et imaginaire, entre connaissance et expression artistique, entre photographié et photographique ; l’histoire de la photographie est faite de cette dualité, et les discours sans fin sur sa nature ne sont que le reflet de la multiplicité de ses possibles interfaces.
Cet entre-deux est également présent dans les sujets qui sont au coeur de mon travail, il se retrouve dans ce qui relève de la frontière, de la limite, de ce qui se passe (de ce qui passe) dans ces zones intermédiaires, de l’espace d’une manière générale, de la manière dont nous l’habitons (et comment il nous habite).
Pour ce faire je procède à un relevé systématique, à un « arpentage photographique ». Si ce protocole relève du style documentaire dans ce qu’il a de plus rigide, le résultat est souvent chargé d’émotions esthétiques vécues lors de la prise de vue, manière de signifier par là d’une impossible prise de distance.
Rappel du projet proposé
Questionner la relation entre toponymie et identité : réactiver l’imaginaire qui s’y associe constituera le fond de ce projet.
La forme quant à elle n’est pas encore définie : elle se dessinera en fonction des potentialités offertes par la matière photographique récoltée mais également par les intentions des intervenants sur place. Elle est ouverte aux propositions.
Commentaires
J’envisage cette résidence comme le moyen d’explorer un sujet que j’ai eu l’occasion de croiser lors de travaux précédents. Il me semble important de l’aborder de manière plus approfondie en y consacrant plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
L’idée de travailler sur la toponymie dans un lieu qui héberge un important fonds d’ouvrages sur le sujet me semble une approche pertinente.
En réalité mon intérêt pour cette résidence ne se limite pas à la toponymie.
Dès ma première exposition de photographies, j’ai compris que les dispositifs classiques de monstration de la photographie ne sont pas compatibles avec l’idée que je me fais de l’oeuvre et de la relation au spectateur.
Ce ne sont pas des images que je souhaite porter à la connaissance du spectateur mais le processus qui les a engendrées.
L’idée de faire partager l’expérience créative avec le public passe par une mise en récit.
Il sera donc également question pour moi de mener une réflexion sur la pertinence d’une « mise en récit » des conditions d’apparition des images.
Lors de cette première exposition, j’ai également remarqué que mon travail suscite des commentaires, des questions : il fait parler.
Il me semble donc important d’être présent pour échanger, de ne pas laisser le spectateur tout seul devant des images qui le font réagir.
Ce sera le troisième volet de cette résidence, une réflexion sur la « photo-élicitation » ; sur la capacité de la photographie à faire parler.